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Anaïs : Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Mathieu Chichery : Je suis Mathieu Chichery, directeur général délégué de la Semittel. La Semittel est la société de transport qui exploite à la Réunion deux réseaux de bus dans le sud de l’île : le réseau Alternéo et le réseau Carsud sur lequel nous avons déployé la solution Zenbus.


A : Quelles sont les principales spécificités de La Réunion en termes de mobilité et d’organisation des transports ?

M.C : La particularité de la Réunion en termes de mobilité, c’est que nous sommes sur un territoire de la taille d’un département français en moyenne, mais sur lequel nous avons seulement 24 communes. Nous avons donc une organisation administrative assez particulière et surtout une organisation de la mobilité qui a été construite le long de l’histoire autour d’une logique du droit à la mobilité pour tous à l’époque où beaucoup de réunionnais n’avaient pas de voiture.
A la Réunion, lorsqu’on prend une carte des réseaux de bus et qu’on la superpose à une carte de réseau routier, on se rend compte que les bus passent partout. Ils passent partout, mais ils ne passent pas souvent. L’attente des bus aux arrêts est donc un enjeu particulièrement important et c’est dans ce sens que des solutions du type Zenbus nous paraissent extrêmement intéressantes et rassurantes pour les usagers. Lorsqu’un bus passe toutes les deux heures, avoir l’assurance que le bus n’est pas déjà passé est évidemment un élément extrêmement structurant.


A : Le contexte sanitaire vous a-t-il touché autant qu’en métropole ?

M.C : Il nous a touchés autant, pas tout à fait dans la même ampleur, mais sur la durée pas moins qu’en métropole. La particularité, c’est que de notre côté nous n’avons pas subi de deuxième phase de confinement, par contre nous sommes depuis un peu plus de deux mois sous un couvre-feu à 18 h (enregistrée le 28 avril 2021) qui nous impacte forcément en termes de fréquentations.

Nous avons tout de même des résultats un peu moins dégradés que nos collègues de métropole, néanmoins si nous prenons le mois d’avril 2021 par rapport à ce qu’on avait pu connaître en 2019 (qui est devenue pour nous, l’année de référence) nous sommes sur des niveaux de fréquentations et de recettes qui sont de l’ordre de 70% des résultats que nous avions en 2019 donc une baisse de 30% tout à fait significative.

Ce qui nous inquiète, c’est que le rythme de progrès ou d’amélioration de la situation n’est manifestement pas le même qu’en métropole. Nous avons malheureusement une crainte avec l’inversion des saisons puisque nous allons rentrer en hiver et si le niveau de vaccination n’est pas suffisant nous pourrions avoir un décalage par rapport à la métropole sur la troisième vague.


A : En termes d’architecture, le déploiement s’est fait au travers d’une interconnexion avec Ubitransport : quel intérêt percevez-vous à cette architecture ?

M.C : Le principal point fort de cette architecture, c’est qu’elle a été mise en place à très moindre coût puisque les équipements à installer dans les bus existaient déjà. Lorsque nous déployons une solution sans nouveaux investissements à réaliser, c’est évidemment confortable. Tous les investissements avaient été portés dans le cadre de la billettique avec UBI.

De plus, c’est un déploiement extrêmement rapide, à partir du moment où nous avons décidé de faire le déploiement et le moment où il a été effectif il s’est passé moins de deux mois. Ce sont des solutions pour nous extrêmement intéressantes qui sont légères et qui permettent d’avoir un retour sur investissement immédiat.


A : En terme fonctionnel, des interfaces sont ouvertes à la fois aux voyageurs et aux personnels d’exploitation : quels sont les éléments clés du service à vos yeux ?

M.C : Pour le moment nous n’avons pas encore déployé la nouvelle version de l’interface de supervision, mais il est vrai que la première version intéresse principalement les usagers avec l’application et la version web pour la visualisation du bus en temps réel sur le réseau et sur la ligne.

Pour ce qui est de la supervision nous attendons vraiment la nouvelle version de l’interface qui nous permettra d’accéder aux informations avance retard ainsi que toute une série de bases statistiques. Cela est tout à fait déterminant pour avoir des outils de suivi temps-réel et des outils de reporting, qui vont nous permettre de qualifier notre niveau de performance sur le réseau en termes de taux de production (nombre de courses réalisées, nombre de kilomètres réalisés par rapport aux théoriques) et de qualification des avances retards, ce qui est très intéressant vis-à-vis de notre collectivité.

[NDLR : Les interfaces de statistiques et de supervision sont dorénavant ouvertes et fonctionnelles à ce jour !]


A : Les données temps-réel du réseau Carsud viennent d’être publiées par Zenbus sur le Point d’Accès National. Un moyen de répondre aux enjeux réglementaires et de s’inscrire dans le MaaS. Plus largement, numérique et transports…. quel type de perspectives cela vous évoque-t-il pour les voyageurs, les exploitants ou les collectivités ?

M.C : La Semittel, société de 300 salariés, nous n’avons pas la dimension ni l’envergure pour avoir en interne un service SI qui soit extrêmement expert et qui permette de créer toutes les interfaces permettant entre autres de répondre aux différents enjeux de formats de données GTFS, GTFS-RT.
Cependant, ce sont des enjeux sur lesquels nous sommes obligés d’investir. Aujourd’hui, nous avons la possibilité de comparer les solutions techniques et l’ouverture des données nécessite une expertise informatique extrêmement lourde pour une entreprise comme la nôtre. La solution clé en main que vous nous proposez est donc un plus notable.

De plus, ce qui est intéressant dans cette expérience, c’est la facilité à laquelle nous avons d’une part pu franchir la première étape de livraison dans la plateforme de notre jeu de données théoriques, mais surtout l’immédiateté de la mise en ligne des données temps-réel à partir du moment où nous avons déployé la solution Zenbus.

Pour répondre plus spécifiquement à la question sur les enjeux de la donnée, je suis convaincu que les entreprises de transport, dans un monde où la concurrence est de plus en plus exacerbée, doivent trouver des facteurs différenciants. Parmi eux il y a deux éléments déterminants.
D’un côté les mobilités nouvelles : aujourd’hui toutes les entreprises de transport savent faire du bus, par contre faire de la mobilité active, du covoiturage, de l’autopartage sont des éléments qui pourront nous différencier demain.
Le deuxième volet, c’est évidemment la maîtrise de la donnée : la capacité à l’interpréter pour ses besoins internes, mais aussi, demain à créer des services avec des partenariats, voire à vendre de la donnée à des opérateurs privés. Ce sont des éléments sur lesquels nous devrons savoir proposer des solutions à nos autorités organisatrices prescriptives. Je ne dis pas que nous devons être des commerçants de la donnée, ce n’est pas notre métier, mais nous devons être au fait de ce qui peut être fait et de ce que des partenaires éventuels pourraient déployer avec nos données.


A : Avez-vous des choses à ajouter ?

M.C : L’outil Zenbus fait partie du corpus d’outils que nous avons récemment déployé pour travailler sur la réassurance des transports en commun. Nous avons, dans le contexte de crise, souvent été pointés du doigt et ces outils vont nous permettre d’aller chercher de nouveaux clients. À La Réunion, les jeunes, notamment, ne sont pas encore très ouverts aux transports en commun, mais la mise en place d’applications qui ont presque un caractère ludique doit revaloriser l’image des transports en commun. L’enjeu pour nous est de retrouver à minima la clientèle que nous avions en février 2020 et trouver de nouveau une dynamique de progrès comme nous avions pu le constater sur nos réseaux ces dernières années.


A : Merci Mathieu !